FORMES


(structure - écriture)
« La forme, c'est la manière dont une œuvre s'efforce d'atteindre l'unité » André Hodeir
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Vous connaissez quelques formes de la poésie : le sonnet, la ballade... La musique, elle aussi, a des formes (plus ou moins fixes) auxquelles les compositeurs se sont souvent référés afin de faciliter l'écoute à l'auditeur, car l'outil indispensable d'une écoute active est la mémoire. Les compositeurs ont donc aidé leurs auditeurs en écrivant des œuvres dont l'assemblage de certains éléments repérables (d'ordre thématique le plus souvent) déterminent une structure. Avec le temps, certaines de ces structures se sont imposées devenant des formes définies. Le type d'écriture peut également définir une forme telle la fugue, le choral, le récitatif...
Toutefois, ces formes ont évolué dans le temps, au gré des styles et du génie de chaque compositeur. Encore un mot, pour distinguer la forme du genre car l'un et l'autre parfois se confondent. Exemple : la forme sonate a une structure particulière qui ne s'applique le plus souvent qu'au premier mouvement des trois ou quatre mouvements du genre de la sonate.
Vous trouverez ci-après les formes les plus courantes (1).
Les musicologues ont pris pour habitude de nommer les différentes sections d'une composition par les lettres A B C... Ici R = refrain, C = couplet

Bibliographie : Claude Abromont, Eugène de Montalembert, Guide des formes de la musique occidentale, Fayard, 2010.

2010

Forme binaire de type AA ; BB

On la trouve principalement aux XVIIe et XVIIIe siècles dans la suite instrumentale. A, répété deux fois, va de la tonalité principale à la tonalité de la dominante et B, répété deux fois, évolue de la tonalité de la dominante à la tonalité principale. Avec le temps, on observe un bref retour de A en conclusion.
Formes apparentées :   Prélude et fugue
Nombreuses danses en deux sections chacune d'elles étant données deux fois : l'allemande, la courante, la sarabande, la gigue


Forme ternaire ABA Aria da capo
Une des formes - vocales à l'origine - les plus courantes début XVIII
e siècle, qui s'impose par son équilibre, sa symétrie.
Il existe des variantes du type ABA' où A' était à l'origine bien souvent laissé à la libre ornementation du chanteur ou de l'instrumentiste improvisateur sauf dans la musique sacrée.
Formes apparentées
L'
Ouverture à la française de tempo lent-vif-lent : A de rythme binaire adopte souvent un rythme solennel (croche pointée- double croche), B est un fugato vif de rythme ternaire, retour à A (souvent non repris auquel cas il s'agit d'une forme binaire).
L'
Ouverture à l'italienne de tempo allegro-andante-presto appelée aussi Sinfonia
Le
Menuet ou le Scherzo adoptent une forme ternaire ou B constitue la partie centrale appelée Trio. L'impromptu romantique est souvent de type ABA.
Le Menuet à trois temps figure au XVIII
e siècle en troisième mouvement de la  symphonie dans les œuvres  de musique de chambre de la sonate ou du quatuor à cordes et au-delà. Il adopte la structure ternaire avec en partie centrale une section appelée trio de formation souvent réduite aux vents et parfois de caractère populaire. Beethoven remplacera le menuet par le Scherzo à partir de la Symphonie n° 2 (1802).   

EXEMPLES :

Bach : Concert Brandebourgeois n° 4 premier mvt

Lully : Armide, Ouverture à la française (A[BA'B]A)
J. S. Bach :
Ouverture dans le style français (lent vif lent)
Vivaldi :
Sinfonia pour cordes RV 149 (vif-lent-vif)
Mozart :
L'Enlèvement au sérail, ouverture à l'italienne (vif lent vif)
Beethoven :
Symphonie n° 9 2ème mvt, scherzo

Chopin  Scherzo n° 2 op. 31   (trio à 3'34)


Forme ternaire ABA' du type lied
Forme proche de la précédente mais où A' est totalement écrit par le compositeur.  Mouvements lents de sonate, de symphonie.   


ABACA  Romance   

A la place de la forme lied, la forme romance tient lieu de mouvement lent. Ses différentes parties sont en général unies de ton. La Romance peut aussi constituer un genre vocale ou instrumental concertant. => Genres     


AB aA ab AB  du type Rondeau médiéval 

Une forme qui combine étroitement le texte et la musique : majuscule = musique et texte identiques ; minuscule = même musique mais texte différent.=> Genres     


ABACADA...  du type Rondo

Alternance Refrain /Couplet : forme populaire de nombreux finales de symphonies, concertos, sonates, quatuors... et chansons.
En général, le refrain est exposé au ton principal alors que les couplets explorent les tons voisins, s'efforçant d'offrir des contrastes mélodiques, rythmiques, harmoniques, de timbres.   

EXEMPLES :

François Couperin : Les Barricades mystérieuses
Haydn :
Symphonie n° 96,  finale presto 
Beethoven :
Concerto n° 3 pour piano,  Rondo   


ABACABA du type  Rondo-sonate 

Comme son nom l'indique associe la forme rondo et la forme sonate en traitant le refrain et le couplet comme deux thèmes.
- Refrain fait figure de premier Thème
- Couplet 1 fait figure de second thème présenté à un ton voisin
- Refrain développé ou non
- Couplet 2 nouveau ou refrain développé
- Refrain
- Couplet 1 dans la tonalité du Refrain
- Refrain de type coda.   

EXEMPLES
Haydn
Symphonie n° 98, finale presto  Rondo-sonate avec 3 couplets
0' = Refrain Thème 1 avec reprises  1'18 = couplet 1 Thème 2  2'02 = Refrain de 8 mesures seulement  2'12 = Couplet 2 ut mineur (développement)  3'09 = Refrain sans reprises en ut mineur  3'50 = Couplet 3 réexposition de type coda interrompue par pizzicato puis points d'orgue avant coda


ABCB'A'  en arche  ou Brückenform 

Structure (à peu près) symétrique autour d'un pôle central.   

EXEMPLE :

Béla Bartók : Musique pour cordes percussions et célesta, Mvt 3
A à 0'26 à 1'45 ; B 2'04 à 2'52 ; C 3'12 à 4'34 ; B' 4'42 à 5'32
A' 5'43 à fin. Les brèves transitions entre chacune des sections sont empruntées à la fugue du premier mouvement.   


Forme Libre ou Durchkomponiert 

Forme libre inclassable, sans forme apparente, souvent liée au récit comme dans le lied : composition continue de caractère narratif comme dans le Poème symphonique
Une des difficultés de la musique contemporaine réside précisément dans cette absence de forme qui ne permet pas à l'auditeur de saisir les repères nécessaires à la compréhension du discours musical. 

EXEMPLE :

Lied :  Schubert :  Erlkönig forme libre suivant le texte de Goethe   

Poème symphonique : Saint-Saëns, Danse macabre


AB développement retour de AB du type Allegro de Sonate ou forme sonate

Il faut ici bien distinguer la forme sonate du genre sonate. La forme sonate ne touche en général que le premier mouvement allegro de plusieurs genres : la sonate elle-même mais aussi bien la symphonie ou le concerto. Toutes les sonates n'adoptent donc pas la structure sonate.
La structure basique s'établit sur deux thèmes de caractère opposé :
- A dans la tonalité principale 
- pont de liaison
- B dans une tonalité voisine : souvent relatif mineur, dominante majeure
- Développement modulant sur A et B
- Réexposition sur A et B dans la tonalité principale 
- Coda.
La forme sonate a trouvé son apogée à l'époque classique mais subira par la suite de multiples variantes et enrichissements : forme sonate à 3 thèmes,       


A A1 A2 A3 A4 A5 A6 etc.  Variations 

Forme instrumentale où un thème est soumis à divers procédés d'écriture : ornementation, harmonie, rythme, timbre, contrepoint, tempo, etc. 

EXEMPLE  :

Mozart : Variations sur "Ah vous dirais-je maman K. 265

Beethoven : Symphonie n° 43 «Héroïque » : finale
 
A repris dans les différents mouvements forme Cyclique

Concerne la structure globale d'une œuvre et vise à renforce l'unité de l'œuvre . On parle de forme cyclique lorsqu'un thème revient périodiquement dans plusieurs mouvements. On parle parfois de thème ou motif générateur. Le leitmotiv (motif conducteur) utilisé notamment par Wagner dans ses opéras (L'Anneau de Niebelungen) est apparenté à ce principe.

EXEMPLES :

Berlioz : Thème de l'idée fixe dans la Symphonie fantastique.  à 1'03
Franck :
Sonate pour violon et piano  


Forme ouverte

Appliquée à une œuvre dont l'écriture est strictement composée mais qui présente une liberté au niveau de l'exécution.  
A partir d'une écriture stricte, les éléments sont soumis au hasard et au choix de chaque interprète : la forme est déstructurée car différente à chaque exécution. 

EXEMPLES :

Stockhausen :   Klavierstucke XI A propos de cette pièce, il a été calculé qu'il y avait 121 645 100 milliards d'exécutions différentes possibles dont la durée d'exécution serait de 231 282 037 siècles.
Boulez :
  Sonate n° 3 pour piano    (lecture avec le compositeur)


Forme aléatoire

Appliquée à une œuvre dont l'écriture même s'abandonne au hasard. Hasard au niveau de la composition.
Le caractère indéterminé de la forme appartient à l'écriture elle-même, souvent limitée à des   
symboles graphiques, ou simplement un mode d'emploi des divers matériaux à « mettre en œuvre ».   

EXEMPLES :

John Cage : Music of changes (commentaire ici) ou     4'33 (commentaire ici


AA'B du type  Blues
Le
blues répond généralement à une structure précise selon un schéma AA'B réparti en une séquence de 12 mesures - trois phrases de quatre - et fondée sur 3 accords (tonique, sous-dominante - dominante. L'altération des 3e et 7e degrés (blue notes) de la gamme diatonique (do, ré, mib, fa, sol, la sib, do) lui donne sa couleur expressive et modale. Ce canevas accorde des extensions à 16 voire 32 mesures, mais il constitue une référence reprise par de nombreux jazzmen, en dehors même du genre Blues 

EXEMPLE : John Lee Hoocker :  Hobo Blues 

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